Nouveau code la famille malien: l'histoire d'une révolution avortée
Le 2 décembre 2011, l’Assemblée Nationale malienne adoptait à l’unanimité le nouveau code de la famille malien.
Dans un communiqué publié, l’organisation internationale des droits de l’homme a critiqué le vote du nouveau code des personnes et de la famille au Mali. Pour elle, « depuis plus de dix ans, les femmes maliennes attendent l'adoption d'un Code de la famille pour que leurs droits fondamentaux soient respectés. Or, le 2 décembre 2011, l'Assemblée nationale malienne a adopté un texte qui, au contraire, perpétue les discriminations ».
Il faut faire un léger bond dans le passé pour s’expliquer cette indignation mais aussi effectuer une analyse logique, dépouillée de tout aspect passionnel et partisan. Cela revient à mener un débat juridique.
On constate alors que 2 années auparavant, en août 2009, le premier projet de ce même code avait été renvoyé en deuxième lecture par le Président Toumani Touré à la suite de manifestations des forces conservatrices.
Le texte révisé est alors édulcoré. Les dispositions centrales relatives à l'âge du mariage, la garde des enfants, l'héritage ont subi de telles modifications qui font du nouveau texte un code illégal et inégal.
Un code illégal. Faut-il le rappeler, le Mali est partie à la Convention des Nations unies sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes (CEDAW), ratifiée en 1985, et le Protocole à la Charte africaine des droits de l'Homme et des peuples relatif aux droits des femmes, ratifié en 2005.
Mieux le Mali, dont la moitié de la population à moins de 18 ans, a toujours affichée une priorité politique quant au droit des enfants. Ainsi, la constitution adoptée en 1992 proclame dans son préambule la détermination du peuple malien « à défendre les droits de la femme et l'enfant ». Le pays a aussi coprésidé le Sommet mondial sur les enfants en 1990 et a été l’un des premiers pays à avoir ratifié la Convention relative aux droits de l'enfant.
Or le nouveau code de la famille malien viole gravement toutes ces conventions internationales qui entrent en vigueur dans le pays dès leur ratification. En application de la théorie de la hiérarchie des normes, les lois doivent se conformer aux dispositions des normes internationales que sont les traités et les conventions internationaux.
En effet on remarque que dans la convention relative au droit des enfants, l’enfant est défini comme toute personne humaine âgée de moins de 18 ans. Le code de protection de l’enfant adoptée en 2002 et qui se veut l’écho de la convention réunit «des règles destinées à assurer à l'enfant la protection nécessaire à son développement physique et intellectuel et à son insertion dans la société ».
Mais on observe dans le nouveau code la famille que l'âge légal du mariage est de 18 ans pour l'homme et de 16 ans pour la femme. Par ailleurs, dans certains cas, le mariage peut être autorisé à partir de 15 ans pour la femme. Or à cet âge, la femme est toujours un enfant, tel que défini par la convention et le mariage précoce n’est assurément pas une institution qui s’inscrit dans le respect de ladite convention.
Il faut aussi remarquer que bien qu’étant astreint à des obligations internationales relatives l’élimination de toutes discriminations à l’égard des femmes et du respect de ses droits, on peut lire dans nouveau code de la famille malien : « dans la limite des droits et devoirs respectifs des époux consacrés par le présent code, la femme doit obéissance à son mari et le mari protection à sa femme… » à la place de l’ancienne mouture du premier projet de code qui proposait plutôt : «les époux se doivent mutuellement fidélité, protection, secours et assistance… ». Mieux Il substitue à l’« autorité parentale », définie dans le projet de code comme un ensemble de droits et de devoirs ayant pour finalité le seul intérêt de l'enfant, exercée conjointement par le père et la mère ; « la puissance paternelle » où l'homme est consacré comme unique chef de famille.
Un code inégal. L’inégalité du code est mise pour les discriminations qu’il consacre notamment celles faites aux femmes telles que développées précédemment.
Une autre discrimination est celle faite aux enfants. En effet concernant la succession, le projet du code prévoyait la non-discrimination entre filles et garçons d’une part et entre enfants légitimes et enfants naturels d’autre part. Mais sous la nouvelle législation, les enfants nés d’un adultère ne bénéficient plus d’aucun droit ni protection. « Tout enfant né hors mariage, autre que celui né d’un commerce adultérin, peut être légitimé par le mariage subséquent de ses père et mère, lorsque ceux-ci les ont légalement reconnus avant leur mariage ou les reconnaissent au moment de sa célébration.
A la lecture de cette disposition, on semble percevoir l’érection de l’enfant adultérin en paria qui n’a pas droit à l’établissement d’un lien de filiation.
L’ancien était beaucoup plus libéral, disant : « tout enfant né hors mariage fut-il décédé est légitime de plein droit par le mariage subséquent de ses père et mère. Si la filiation n’était pas déjà établie, cet enfant fait l’objet d’une reconnaissance au moment de la célébration du mariage. »
Par ailleurs, le nouveau code en son article 518 s’aventure sur un terrain inattendu : « en aucun cas, un homosexuel n’est admis à adopter un enfant sous quelques régime que ce soit ». Le Législateur malien se fait ainsi avant- gardiste dans le paysage africain sur la question de l’adoption par un homosexuel.