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Le blog de Marlene Hounkpatin

24 avril 2012

L'extinction de l'usufruit permet d'engager une saisie immobilière sur la pleine propriété

La Cour de cassation française a considéré que l’hypothèque offerte par la caution sur la nue-propriété porte, dès l’extinction de l’usufruit sur la pleine propriété. Ainsi un commandement valant saisie immobilière portant sur la pleine propriété au lieu de la nue-propriété tel que prévu à la convention, demeure valable.

 

La Cour de cassation a, dans cet arrêt, précisé  les conséquences de l'extinction de l'usufruit, intervenue antérieurement à la délivrance d'un commandement de payer valant saisie immobilière à l'encontre d'une caution hypothécaire qui avait consenti, à l'origine, une hypothèque portant sur la seule nue-propriété d'un immeuble.

La haute juridiction considère donc que l’hypothèque de la nue- propriété d’un immeuble grevé d’usufruit est, dès la cessation de cette dernière, reportée sur la pleine propriété. Ainsi un commandement de payer valant saisie immobilière qui porte sur la totalité de la propriété échappe à la nullité du fait de la survenance de cet évènement.

L’espèce est la suivante. Le gérant d'une société s'était porté caution hypothécaire des engagements d'une personne morale en affectant la nue-propriété d'un immeuble avec l'autorisation de l'usufruitière.

Le décès de cette usufruitière entraîne l'extinction de l'usufruit en application de l'article 617 du code civil et permet au créancier poursuivant d'engager, à l'égard de la caution, une procédure de saisie immobilière sur la pleine propriété l'immeuble.

La caution conteste la procédure ainsi initiée et forme un pourvoi. Elle allègue de ce que l'hypothèque ne peut être consentie sur des droits réels à venir et qu'elle n'a consenti une hypothèque que sur la nue-propriété. Dans ces conditions, le saisi sollicite la nullité du commandement de payer valant saisie immobilière.

 

La Cour de cassation rejette le moyen au motif pris que, le décès de l'usufruitière avait été constaté de manière certaine par la Cour d'appel de telle sorte que la procédure de saisie immobilière engagée sur la pleine propriété est parfaitement valable.

La solution de la Cour est discutable. En effet l’hypothèque consentie en l’espèce ne porte pas sur les biens à venir. Il ne s’agit donc pas d’une hypothèque générale qui frappe ces biens  dès qu’ils sont entrés dans le patrimoine du débiteur. L’hypothèque dont s’agit est conventionnelle et constituée sur un immeuble individualisé ab initio qui est le droit de superficie. Dès lors quand bien même un bien retournerait dans le patrimoine du débiteur, il ne peut être grevé d’hypothèque tant que les formalités prescrites par la loi n’ont pas été accompli (contrat d’hypothèque, inscription...).

Au surplus l’autonomie de la volonté dans la conclusion des contrats semble avoir été occulté par la Cour. Si les parties ont décidé dès le départ que seul le droit de superficie sera affecté en garantie de la créance, les juges n’ont pas le pouvoir de remettre en cause cette volonté (pacta sunt servanda).

Cass. com. 13 mars 2012, n° 11-10.289.

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9 mars 2012

AUTOUR DE LA QUESTION: la non publication du code des procédures

Cette semaine la découverte d’un fait a agité et continue d’agiter le monde judiciaire.

L’objet de la polémique : le code de procédure civile, commerciale, sociale, administrative et des comptes du Bénin.

La cause de la polémique : la non publication du code des procédures au Journal Officiel.

Pour les juristes et praticiens du droit, la conséquence est vite tirée. Enfin on aurait pu le croire mais il est qu’on observe la présence de plusieurs thèses.

En effet en face d’une valse d’exceptions soulevées les avocats, lesquelles tendent à leur rendre inapplicable le code des procédures, on retrouve des juges imperturbables rejetant systématiquement ces demandes.   

La polémique enflant, l’indignation grandissant, il semblait opportun d’effectuer une analyse en ce sens.

Mais avant tout « débat au fond », il convient d’exposer les faits.      

LES FAITS : Au départ le code de procédure civile commerciale sociale administrative et des comptes promulgué le 28 février 2011, mais dont la mise en vigueur a été différé d’un an afin de permettre aux acteurs de la justice de se l’approprier.

Dans le droit positif béninois la publication d’une loi au Journal Officiel fini d’achever le processus d’élaboration de la loi.

Il a été entendu, puis confirmé par la suite que le nouveau code des procédures n’a fait jusque-là l’objet d’aucune publication au Journal Officiel.

L’attendu se produisit. Des débats passionnés. Sans nier l’irresponsabilité consternante des pouvoirs publics, mais ce n’est pas là le sens du propos, il faut néanmoins donner un angle juridique au débat.

La gageure a des conséquences qui se manifestent par diverses exceptions soulevées par les avocats et  tendant à rendre inapplicable le nouveau code des procédures à leur auteur : ce sont les prétentions des parties.

LES PRETENTIONS DES PARTIES : les parties peuvent être regroupées en un corps puisqu’il s’agit uniquement des avocats. Tandis que les uns tirent de la non publication du texte de loi, la conséquence qu’est l’invalidité ; d’autres querellent l’inopposabilité.

Laquelle prétention est avérée ? La réponse se retrouve dans la solution.

LA SOLUTION : la solution s’articule ainsi qu’il suit : quelle exception soulevée et pourquoi ? Quel est le sort ?

A la question quelle exception soulevée correspond la réponse qui est l’exception d’inopposabilité du code des procédures.

Pourquoi ? La justification réside la définition du terme « publication ». En effet la publication est l’action de porter un acte législatif le plus souvent de portée générale, à la connaissance du public par son insertion dans un périodique officiel tel que le Journal Officiel. Gérard Cornu va plus loin dans la définition qu’il en fait : c’est une « mesure de publicité destinée à rendre l’acte opposable à tous qui constitue l’une des conditions de l’entrée en vigueur de l’acte ». (Gérard Cornu, Vocabulaire Juridique, PUF, 8ème édition, page 742).

La finalité de la publication est donc bien l’opposabilité de la loi aux les citoyens : « Nul n’est censé ignoré la loi ». Ainsi au justiciable qui s’oppose à ce que lui soit appliqué le code des procédures au motif qu’il n’en a pas connaissance, il faut distinguer trois sorts réservés à la demande.

1)- Il est établi que le justiciable n’aurait jamais pu avoir connaissance de la loi. Son exception peut prospérer jusqu’à ce qu’on mette la loi à sa disposition afin qui ne puisse plus l’ignorer.

2-) Il est manifeste que le justiciable ne peut ignorer ladite loi. Son exception est rejetée

3) Le justiciable soulève n’inopposabilité de la loi alors qu’il s’en prévaut dans ses écritures ou tout au moins la cite. Il a donc connaissance de la loi et de ce fait, sa demande tombe.

 

Il faut se l’avouer l’analyse faite est contextualisé au pays parce que dans un état de droit et soucieux du respect de ses institutions, on aurait veillé la publication d’une loi d’une telle envergure.

La lettre du ministre en charge de la justice vide certes le débat de son sens puisqu’elle déclare le code des procédures applicable et opposable à tous, nonobstant la non publication au Journal Officiel.

On pense juste que le temps consacré à la rédaction d’une correspondance aurait pu être servi pour ordonner la sortie d’un  numéro spécial du Journal Officiel constatant la publication du code des procédures.

5 janvier 2012

Est licite la rupture de la période d'essai dont la confimation est intervenue après le terme de ladite période

L’employeur peut mettre fin verbalement à la période d’essai. Quand bien même la décision de rupture serait notifiée par écrit  à l’employée après la fin de la période d’essai, la rupture n’en demeure pas moins licite.

La Cour d’appel de Paris a rendu un arrêt à cet effet.

Les faits de l’espèce : l’employeur estimant l’essai non concluant pour une pharmacienne assistante y met fin verbalement avant le terme de la période d’essai. Mais la confirmation par écrit de la décision est intervenue après la fin de la période d’essai, soit une dizaine de jours après la rupture.

Afin de mieux comprendre la solution du juge, il y a lieu de rappeler le régime de la cessation de la période d’essai.   

1°- La rupture du contrat de travail pendant la période d’essai

La période d’essai précède l’embauche définitive du salarié. Elle a pour finalité de permettre à l’employeur d’apprécier l’aptitude du salarié à occuper le poste proposé et au salarié de vérifier si les fonctions qui lui sont dévolues correspondent à ses attentes.

 Le principe est la liberté de rupture. A cet effet l’article 43 du Code du travail du Bénin dispose : « sauf dispositions particulières expressément prévues au contrat, l’engagement à l’essai peut, à tout moment, cesser sans préavis par la volonté de l’une des parties sous réserve d’abus ».

Ainsi pendant la période d’essai, les parties sont libres de rompre le contrat de travail sans aucun formalisme particulier, sauf dispositions contractuelles ou conventionnelles contraire

(cass. soc. 8 avril 1998, n°1988 D. Robert c/ SA Aigle Azur, cassation. Voir aussi cass. soc. 13 mars 1985, n°1023 P, Ass. Le Logis des jeunes c/ Nicol et a., cassation BCV n°160 s’agissant d’un conseiller prud’hommes).

Il faut aussi noter que l’employeur doit avoir manifesté sa volonté de mettre fin à la période d’essai  avant sa date d’expiration. Il  importe peu que le salarié ait reçu la lettre lui notifiant  cette rupture après l’expiration de la période.

(Cass. soc. 11 mai 2005, n°03-40.650, Magnier et a. c/ Sté P&O Stena Line Limited, 4e moyen, rejet, BC V n°159. Voir aussi cass. soc. 26 septembre 2006, n°05-44.670, Sté Gestion technologie finances conseil (GTF) c/ Abremont, cassation partielle, BC V n°287).

L’accent mis sur la volonté de rupture intervenue avant le terme de la période d’essai est important. En effet  si cette volonté était intervenue après le terme de la période, on ne serait plus dans le régime de la rupture du contrat pendant l’essai mais plutôt celui de la rupture du contrat à durée déterminée qui répond à des règles plus strictes.

La Cour d’appel de Paris, par cette décision, s’inscrit donc  dans la continuité participant ainsi à la construction d’une jurisprudence établie en la matière.

 

2°- Présentation sommaire de la décision

Cour d'appel

Paris

pôle 6 , chambre 9

18 Mai 2011

Confirmation

N° 09/07882

Numéro JurisData : 2011-014787

 La rupture du contrat de travail de la pharmacienne assistante par son employeur n'est pas abusive dès lors que ce dernier a rompu le contrat de travail oralement avant le terme de la période d'essai, aucune formalité n'étant imposée pour la notification de la rupture du contrat de travail. Une confirmation de cette décision de rupture, au sens pris d'une ratification d'un acte, est intervenue postérieurement au terme de la période d'essai moins d'une dizaine de jours après la rupture, alors que seule était prévue conventionnellement une confirmation écrite de la décision de rompre sans condition de délai particulière.

 

Décision antérieure

 Conseil de prud'hommes Villeneuve saint georges section encadrement du 7 Septembre 2009 - N° 08/00262

Voir aussi

 CA Toulouse, 4e ch., 2e sect., 25 sept. 2009, n° 08/03030 : JurisData n° 2009-013098

 CA Aix-en-Provence, 27 janvier 2009, n° 07/18298 : JurisData n° 2009-000589

 

 

1 janvier 2012

Le passage d'un horaire continu à discontinu suppose l'accord du salarié

Présentation : Si l'employeur dispose d'un pouvoir unilatéral de direction au sein de son entreprise, la chambre sociale vient de poser une nouvelle limite à celui-ci au regard du changement d'horaire de travail. Elle considère que le passage d'horaires quotidiens continus à des horaires discontinus constitue une modification substantielle du contrat de travail qui suppose de recueillir l'accord du salarié...

Un simple changement d'horaire consistant dans une nouvelle répartition de l'horaire au sein de la journée, alors que la durée du travail et la rémunération restent identiques constitue un simple changement des conditions de travail relevant du pouvoir de direction du chef d'entreprise et non une modification du contrat de travail Soc, 22 Février 2000 ,pourvoi N° 97-44339

Ce principe connaît diverses exceptions.

Ainsi, le   passage d'un horaire continu à un horaire discontinu  n'est pas une simple modification des conditions de travail soumise au pouvoir unilatéral de l'employeur mais constitue une modification substantielle du contrat de travail qui suppose l'accord du salarié.

C'est ce qu'a jugé la chambre sociale de la cour de cassation le 3 novembre 2011 en infirmant le licenciement pour faute grave d'un salarié qui avait refusé la modification de ses horaires de travail  continus de 8h à 15h.

Son employeur proposait de les fixer de manière discontinue du  lundi au vendredi de 11 heures à 14 heures et de 16 heures à 20 heures.

Cette nouvelle limitation au pouvoir de direction unilatéral de l'employeur doit inciter ceux-ci à la prudence en les invitant à demander à leurs salariés de consentir à des modifications de leurs contrats, même minimes...

 

I- Evolution de la jurisprudence en matière de modification d'horaires de travail

La modification substantielle ou essentielle aux termes du contrat de travail autorise le salarié à refuser cette modification sans que ce dernier soit fautif, alors que le refus d'une simple modification accessoire au contrat rentre dans le pouvoir de direction de l'employeur et peut être imposée unilatéralement au salarié.

Il s'agit ici d'une simple modification des modalités d'exécution du contrat que le salarié ne peut refuser sous peine de commettre une faute.

Soc,12 mars 2002,N° de pourvoi 99-46034 Une modification des horaires de travail doit être justifiée par l'intérêt de l'entreprise; à défaut il s'agit d'un abus de pouvoir de direction de la part de l'employeur.

Soc,9 Juillet 2003 N° de pourvoi 01-42723 Le changement d'horaires peut être contesté s'il est incompatible avec les des obligations familiales impérieuses.

 

En cas de contentieux , le conseil de prud'hommes vérifiera d'une part que   l'employeur n'abuse pas de son pouvoir de direction et d'autre part que les changements d'horaires imposés reposent sur un motif sérieux.

 

A) Le passage d'un horaire fixe à un horaire variable est une condition substantielle

Soc, 14 novembre 2000, pourvoi N° 98-43218

La modification d'horaires qui introduit une coupure de plusieurs heures dans la journée de travail et instaure des horaires variables chaque semaine sur un cycle de 5 semaines ne se borne pas à un simple changement d'horaires relevant du pouvoir de direction de l'employeur mais crée le passage d'un horaire fixe à un horaire variable.

 

B) Le passage d'un horaire de jour à un horaire de nuit ou inversement est une modification substantielle que le salarié peut refuser

Soc,10 mai 2007 pourvoi N° 05-45.690,  Soc, 18 décembre 2001, pourvoi N° 98-46160 ,Soc, 22 Mai 2001 N° de pourvoi 99-41146-

Un commencement d'exécution de ces nouveaux horaires ne pouvant même pas vaoir acceptation tacite .

Un employeur devra prendre acte du refus du salarié de ces nouveaux horaires et le licencier dans le cadre d'un licenciement économique s'il peut justifier de l'intérêt de l'entreprise.

Serait nulle, une clause qui prévoierait par anticipation le passage d'un horaire de jour à un horaire de nuit et inversement "suivant les nécessités du service  Soc, 5 Juin 2001 N° de pourvoi  98-44781

 

C) La modification de la durée du contrat de travail à temps partiel

Soc., 4 juin 2002, pourvoi N°

La répartition de la durée du travail à temps partiel, telle qu'elle doit être prévue, en application de l'article L. 212-4-3 du code du travail , constitue un élément du contrat qui ne peut être modifié sans l'accord du salarié .

Une clause du contrat ne peut valablement permettre à l'employeur de modifier l'horaire convenu en prévenant le salarié au moins 7 jours à l'avance qu'à la double condition, d'une part, de la détermination par le contrat de la variation possible, d'autre part, de l'énonciation des cas dans lesquels cette modification pourra intervenir ; »

 

D) Les horaires quotidiens de continus à discontinus font désormais partie de l'excéption; soc 3 novembre 2011, pourvoi N° 10 30033

 

II- Présentation de Soc,3 novembre 2011, pourvoi N°10-30033

Cour de cassation

chambre sociale

Audience publique du jeudi 3 novembre 2011

N° de pourvoi: 10-30033

Publié au bulletin Cassation

 

M. Lacabarats (président), président

Me Haas, SCP Hémery et Thomas-Raquin, avocat(s)

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

 

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

 

Vu l'article 1134 du code civil ;

 

Attendu que le passage d'un horaire continu à un horaire discontinu entraîne la modification du contrat de travail ;

Attendu que Mme X... a été engagée en qualité de pharmacienne par M. Y... qui exploite une officine ; que ce dernier l'a informée par lettre du 9 mai 2006 de la modification de ses horaires de travail, désormais fixés du lundi au vendredi de 11 heures à 14 heures et de 16 heures à 20 heures, au lieu de l'horaire continu de 8 heures à 15 heures qu'elle pratiquait ces mêmes jours ; qu'ayant refusé cette modification des horaires de travail, elle a été licenciée pour faute grave ; qu'elle a saisi la juridiction prud'homale pour contester son licenciement ;

 

Attendu que pour rejeter la demande de la salariée tendant à faire juger son licenciement sans cause réelle et sérieuse, l'arrêt retient que le changement d'horaire, consistant dans une nouvelle répartition de l'horaire au sein de la journée, alors qu'il n'est pas contesté que la durée du travail et la rémunération étaient restées identiques, constitue un simple changement des conditions de travail relevant du pouvoir de direction du chef d'entreprise et non une modification du contrat de travail ;

 

Qu'en statuant ainsi, alors qu'elle a constaté que l'employeur avait imposé à la salariée le passage d'un horaire continu à un horaire discontinu, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, a violé le texte susvisé ;

 

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 5 novembre 2009, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Versailles ;

 

Condamne M. Y... aux dépens ;

 

Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne M. Y... à payer à Mme X... la somme de 2 500 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du trois novembre deux mille onze.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par Me Haas, avocat aux Conseils pour Mme X....

Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué D'AVOIR déclaré que le licenciement de Mme X... est fondé sur une faute grave ;

 

AUX MOTIFS QUE le contrat de travail de la salariée fixe une durée hebdomadaire de heures sans pour autant préciser les horaires de travail ; que Mme X... a été informée par courrier de son employeur du 9 mai 2006 de la modification de ses horaires de travail ; que, précédemment, elle travaillait de 8 heures à 15 heures du lundi au vendredi ; que, désormais, les nouveaux horaires étaient les suivants : du lundi au vendredi de 11 heures à 14 heures et de 16 heures à 20 heures ; que le changement d'horaire, consistant dans une nouvelle répartition de l'horaire au sein de la journée, alors qu'il n'est pas contesté que la durée du travail et la rémunération sont restés identiques, constitue un simple changement des conditions de travail relevant du pouvoir de direction du chef d'entreprise et non une modification du contrat de travail ; qu'en l'espèce le changement d'horaire ne présente aucun caractère discriminatoire et était motivé par une cause objective à savoir la réorganisation du temps de présence, au sein de l'officine, du pharmacien adjoint permettant de faire face à une évolution dans les heures de fréquentation de la clientèle ; qu'aucune intention de nuire n'est reprochée à l'employeur par la salariée ; qu'il n'est pas contesté par Mme X... qu'elle a refusé de se plier aux nouveaux horaires pour des motifs personnels ; que dès lors, le refus opposé par l'intéressée constitue un refus d'obéissance constitutif d'une faute grave ;

 

ALORS QUE le passage d'un horaire continu à un horaire discontinu entraîne la modification du contrat de travail ; que la cour d'appel a relevé que la salariée, qui travaillait jusqu'alors, selon un horaire continu, du lundi au vendredi de 8 heures à 15 heures, s'est vue ordonner de travailler, du lundi au vendredi, selon un horaire discontinu constitué de deux périodes distinctes de 11 heures à 14 heures, d'une part, de 16 heures à 20 heures, d'autre part ; qu'en considérant qu'il s'agissait là d'un simple changement des conditions de travail pour décider que le refus de la salariée de s'y plier était fautif, la cour d'appel, qui n'a pas tiré de ses propres constatations les conséquences légales qui s'en évinçaient, a violé l'article 1134 du code civil.

Publication :

 

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris du 5 novembre 2009

 

Auteur: Maître Haddad Sabine

source: www.legavox.fr/blog/maître-haddad-sabine

 

30 décembre 2011

La signature d'un CDD vaut conclusion même en l'absence d'un commencement d'exécution

Un employeur ne peut pas signer un Contrat à Durée Déterminée (CDD) puis se rétracter quand bien même l’exécution du contrat n’aurait pas commencé. La signature d’un CDD vaut conclusion définitive.

A cet effet, la Chambre sociale de la Cour de cassation a rendu à la date du 30 novembre 2011 un arrêt prononçant le caractère abusif de la rupture d’un CDD après sa signature.

Les faits de l'espèce: Une entreprise engage sur la base d'un CDD une salariée en qualité d’enquêteuse. Après avoir effectué une journée de formation, l’employeur a rompu oralement le contrat de travail.

En cette affaire, la Cour juge que le CDD signé est conclu. Par conséquent, il ne pourrait être rompu sans le stricte respect de la procédure édicté en la matière par le code du travail. Il est  indifférent que l’exécution du contrat ait ou non commencé.

Cette actualité jurisprudentielle est l’occasion de revenir sur quelques règles essentielles du CDD.

1. Les cas de recours au CDD

Le régime d'utilisation d'un CDD est bien encadré par la loi.

Ainsi un CDD est un contrat conclu pour une durée déterminée qui ne peut excéder deux ans renouvelables une fois (article 13 du Code du Travail béninois).  

Tout contrat de travail supérieur à un mois ou nécessitant l'installation du travailleur hors de sa résidence habituelle, doit être également constaté par un CDD. (article 13 du Code du Travail béninois)

Un type particulier de CDD est aussi consacré par le code. Il s'agit du contrat de travail des travailleurs à titre saisonnier ou temporaire, des travailleurs engagée pour une tâche déterminée. La particularité de ce CDD réside dans sa durée. En effet le contrat de travail relatif à la catégorie de travailleurs précités ne peut être conclut pour une durée supérieure à six mois renouvelables (article 16 du même code). Il faut noter que la mention "renouvelable" sans aucune autre précision laisse à croire que le nombre de renouvellement de ce type de CDD n'est pas limité dans le temps. Il faut simplement veiller à ce que le renouvellement du contrat soit exprès, faute de quoi le CDD se mue automatiquement en un Contrat à Durée Indéterminée (article 17 du Code du Travail béninois). 

 

2. La rupture du CDD

Sauf accord des parties, le CDD ne peut être rompu avant l’échéance du terme qu’en cas de faute lourde, de force majeure ou de résolution judiciaire (Article 42 du Code du travail).

Dans l’arrêt du 30 novembre 2011, les juges ont estimé que lorsque la signature du CDD valait conclusion du contrat peu importe que l’exécution du contrat ait débuté ou non.

Ainsi, l’employeur ne peut pas rompre le CDD de la salariée s’il ne peut pas se prévaloir de la faute lourde ou du force majeure.

La rupture anticipée du CDD qui intervient à l’initiative de l’employeur, en dehors des cas énumérés par la loi, ouvre droit pour le salarié à des dommages et intérêts (article 42 in fine du Code du Travail). Dans la pratique, le montant de la réparation est au moins égal aux rémunérations qu’il aurait perçues jusqu’au terme du contrat.

 

REMARQUE : la solution de la Cour aurait été différente si la salariée avait commencé à exécuter son contrat. En effet la salariée aurait été en période d’essai. Encore aurait-il fallu que cette période d'essai est été stipulée dans le contrat.

Dans ce cas, l'engagement à l'essai peut cesser à tout moment, sans préavis par la volonté de l'une des parties sous réserve d'abus (article 43 du Code du Travail).

Source : Arrêt de la Chambre sociale de la Cour de cassation du 30 novembre 2011. N° de pourvoi : 10-11639.

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29 décembre 2011

Quand l'inertie ou le refus d'un indivisaire bloque l'indivision

Présentation : Que faire lorsqu'un indivisaire, est inerte, négligent ou refuse d'effectuer certains actes ? Comment débloquer la situation, telle est la question récurente qui se pose à nous en cette matière. Exemple si l'indivisaire refuse de se manifester, refuse de signer un acte, de débloquer des fonds, de respecter les droits des autres indivisaires ? Avant tout, il faudra analyser le type d'acte concerné pour vérifier si la règle de l’unanimité est nécessaire à l’acte ... 

 

Le régime de l'indivision peut découler de diverses situations juridiques.

Ainsi l'indivision jouera entre cohéritiers, suite à un décès, de même que suite  à une acquisition en commun faite par plusieurs personnes, appelés indivisaires ou coindivisaires ( personnes pas forcément mariées, pacsées ou concubins), à une donation-partage accordée à divers enfants, ou après  un divorce... 

ce régime fait naître une partie des droits de propriété sur l’ensemble du ou des bien(s) indivis.

Ainsi en cas de décès, les héritiers se retrouveront propriétaires d’une partie des droits  sur l’actif successoral qu’ils exerceront conjointement. 

Que faire si un indivisaire, est inerte,négligeant ou refuse d'effectuer certains actes ?

 

Comment débloquer la situation, telle est la question récurente qui se pose à nous en cette matière.

Exemple si l'indivisaire refuse de se manifester, refuse de  signer un acte, de débloquer des fonds, de respecter les droits des autres indivisaires ? 

Avant tout, il faudra analyser le type d'acte concerné  pour vérifier si la  règle de l’unanimité est nécessaire à l’acte ...

 

I- Un  blocage impossible pour les actes conservatoires

 

A) Texte

L’article 815-2 du Code civil, permet aux  indivisaires d'effectuer  seuls des actes conservatoires. 

Il s'agit d'actes nécessaires à la conservation et à la sauvegarde des biens indivis.

"Tout indivisaire peut prendre les mesures nécessaires à la conservation des biens indivis même si elles ne présentent pas un caractère d'urgence. 

Il peut employer à cet effet les fonds de l'indivision détenus par lui et il est réputé en avoir la libre disposition à l'égard des tiers.

A défaut de fonds de l'indivision, il peut obliger ses coïndivisaires à faire avec lui les dépenses nécessaires. 

Lorsque des biens indivis sont grevés d'un usufruit, ces pouvoirs sont opposables à l'usufruitier dans la mesure où celui-ci est tenu des réparations."

 

3ème chambre civile,25 janvier 1983 et 9 octobre 1996 ont définis ces  acte comme « des actes matériels ou juridiques ayant pour objet de soustraire le bien indivis à un péril imminent sans compromettre sérieusement le droit des indivisaires ».

Ils supposent donc  l’existence d’un péril imminent, de la necessité d'un entretien régulier étant précisé que l’urgence, qui  pouvait  justifier une intervention en vue de conserver le bien, n'est plus une condition nécessaire depuis la réforme des successions. 

L’indivisaire qui aura financé seul des actes conservatoires fera valoir sa créance sur l’indivision.

Il pourrait aussi utiliser les fonds de l’indivision qu’il détient, étant réputé en avoir la libre disposition à l’égard des tiers. 

Si les fonds de l’indivision sont insuffisants il pourra contraindre les coindivisaires à financer avec lui les dépenses nécessaires proportionnellement aux droits de chacun dans l’indivision.

 

B) Jurisprudence sur l'acte conservatoire

-Renouvellement d'une inscription hypothécaire 

- Une mise en demeure adressée au locataire de payer les loyers  3ème Civ, 31 octobre 2007

- La souscription d’un contrat d’assurance incendie pour un immeuble 

- L’action en revendication d’un bien dont un tiers se prétend propriétaire. Ainsi, le non-respect de la règle de l’unanimité peut être invoqué aussi bien par un indivisaire que par un tiers à l’indivision.3ème Civ, 19 juin 2002

- La déclaration d’une créance de l’indivision à la procédure du débiteur de l’indivision Com 11 juin 2003. 

-Réparer un mûr qui menace de d'écrouler suite à un devis au coût du marché rentre dans cette catégorie.

 

II- Un blocage improbable pour certains actes d'administration et de disposition à la majorité des 2/3 des droits.

 

3ème Civ, 19 juin 2002 précité a jugé que En cas de non-respect l’acte en découlant pourra être jugé nul.

 

A) La règle de l’unanimité dans l'article 815-3 du code civil : une règle de blocage ?

Ce texte envisage le consentement unanime de tous les indivisaires   pour disposer d'un bien ( ex, vente, dépense, partage, destruction …) ou pour la conclusion ou le renouvellement de baux ruraux, commerciaux, artisanaux ou industriels. 

Cependant la Loi, a envisagé des exceptions.

Nous verrons dans le II que le juge pourra intervenir pour débloquer la situation.

 

B) Les exceptions à l'unanimité: la majorité des 2/3 des droits indivis 

1°-  à la majorité des 2/3 des droits indivis avec notification aux autres indivisaires sous peine d'inopposabilité article 815-3 du code civil

Cette règle n'a de sens principal que pour les indivisions successorales,puisque dans le cas de sorties de l'indivision entre concubins, partenaires pacsés ou époux, le bien acquis à deux nécessitera l'accord unanime. 

La majorité des 2/3 peut n'être détenue que par un seul indivisaire.

Les indivisaires qui ont effectué des actes de gestion à cette majorité doivent en avertir les autres indivisaires.

Que dit l'art 815-3 du code civil ? 

"Le ou les indivisaires titulaires d'au moins deux tiers des droits indivis peuvent, à cette majorité :

1° Effectuer les actes d'administration relatifs aux biens indivis ; 

2° Donner à l'un ou plusieurs des indivisaires ou à un tiers un mandat général d'administration ;

3° Vendre les meubles indivis pour payer les dettes et charges de l'indivision ; 

4° Conclure et renouveler les baux autres que ceux portant sur un immeuble à usage agricole, commercial, industriel ou artisanal. 

Ils sont tenus d'en informer les autres indivisaires. A défaut, les décisions prises sont inopposables à ces derniers....

Toutefois, le consentement de tous les indivisaires est requis pour effectuer tout acte qui ne ressortit pas à l'exploitation normale des biens indivis et pour effectuer tout acte de disposition autre que ceux visés au 3° 

Si un indivisaire prend en main la gestion des biens indivis, au su des autres et néanmoins sans opposition de leur part, il est censé avoir reçu un mandat tacite, couvrant les actes d'administration mais non les actes de disposition ni la conclusion ou le renouvellement des baux."

2°- Qu'est-ce qu'un acte d'administration ? 

L'acte d'administration est  un acte juridique ou matériel relevant de la gestion normale ayant pour but de conserver la valeur d’un bien et de le faire fructifier.

 

Voire les exemples visés par le texte

- les actes d'administration relatifs aux biens indivis;( ex action en bornage)

- Donner à l'un ou plusieurs des indivisaires ou à un tiers un mandat général d'administration ; 

- Vendre les meubles indivis pour payer les dettes et charges de l'indivision ;

- Conclure et renouveler les baux autres que ceux portant sur un immeuble à usage agricole, commercial, industriel ou artisanal. 

Les indivisaires aux 2/3 sont tenus d'en informer les autres indivisaires. A défaut, les décisions prises seront inopposables à ces derniers.

Il peut inclure aussi la réalisation de travaux d’amélioration, un congé donné au locataire 3ème Civ, 25 avril 2001, toute action en résiliation de bail pour non paiement des loyers ou  en recouvrement d’une créance de l’indivision, l’appel du jugement fixant le loyer d’un bail commercial (Civ 1ère 23 janvier 2008), une action en bornage 

3°- la majorité des 2/3  pour le vente d'un bien moyennant procédure spéciale voir IV-C)

 

III- Un déblocage par sommation d'huissier

A) une sommation de prendre partie dans la succession 

L'article 771 du code civil envisage que les cohéritiers peuvent contraindre un héritier potentiel  à opter par  acte extrajudiciaire  signifié par un huissier de justice après 4 mois depuis l’ouverture de la succession .

"dans les deux mois qui suivent la sommation, l'héritier doit prendre parti ou solliciter un délai supplémentaire auprès du juge lorsqu'il n'a pas été en mesure de clôturer l'inventaire commencé ou lorsqu'il justifie d'autres motifs sérieux et légitimes. Ce délai est suspendu à compter de la demande de prorogation jusqu'à la décision du juge saisi. A défaut d'avoir pris parti à l'expiration du délai de deux mois ou du délai supplémentaire accordé, l'héritier est réputé acceptant pur et simple".

 

B) Une sommation émanant du notaire commis pour établir l'acte liquidatif  ou d'un indivisaire faite à l'héritier de se faire représenter au partage amiable  

Tout copartageant ou le notaire peuvent faire désigner judiciairement un représentant pour l'indivisaire qui ne se manifeste pas

La loi a tout fait pour favoriser le partage amiable, allant jusqu'à permettre un retour à la voie amiable, même après l'usage de la voie judiciaire, dans les termes de l'article 842 du code civil, lorsque les conditions sont remplies. 

1°- Tout copartageant pourra mettre en demeure de se faire représenter au partage amiable  par acte d’huissier, un indivisaire qui ne se manifeste pas.: article 837 du code civil

Cela suppose, bien entendu une absence d'opposition expresse dudit copartageant ou coindivisaire. Dans ce cas, le  juge  désignera un représentant qualifié pour représenter l'absent lors des opérations de partage, mais ne contrôlera pas la régularité des dites opérations . 

Ce représentant, avec l’autorisation du juge, pourra consentir au partage. 

--Article 837 du code civil 

Si un indivisaire est défaillant, sans qu'il soit néanmoins dans la situation de l'article 836 qui vise.le présumé absent ou, qui par suite d'éloignement, se trouve hors d'état de manifester sa volonté, il peut, à la diligence d'un copartageant, être mis en demeure, par acte extrajudiciaire, de se faire représenter au partage amiable.

Faute pour cet indivisaire d'avoir constitué mandataire dans les trois mois de la mise en demeure, un copartageant peut demander au juge de désigner toute personne qualifiée qui représentera le défaillant jusqu'à la réalisation complète du partage. Cette personne ne peut consentir au partage qu'avec l'autorisation du juge. 

2°- Le notaire pourra aussi intervenir: art 841-1 du code civil

--Article 841-1 du code civil 

Si le notaire commis pour établir l'état liquidatif se heurte à l'inertie d'un indivisaire, il peut le mettre en demeure, par acte extrajudiciaire, de se faire représenter. Faute pour l'indivisaire d'avoir constitué mandataire dans les trois mois de la mise en demeure, le notaire peut demander au juge de désigner toute personne qualifiée qui représentera le défaillant jusqu'à la réalisation complète des opérations.

 

IV- Le déblocage de la situation par intervention judiciaire 

A) Pour sauver l'intérêt commun mis en péril par le refus d'un indivisaire: article 815-5 du code civil

Un indivisaire peut être autorisé par justice à passer seul un acte pour lequel le consentement d'un coïndivisaire serait nécessaire, si le refus de celui-ci met en péril l'intérêt commun. 

Le juge ne peut, à la demande d'un nu-propriétaire, ordonner la vente de la pleine propriété d'un bien grevé d'usufruit contre la volonté de l'usufruitier.

L'acte passé dans les conditions fixées par l'autorisation de justice est opposable à l'indivisaire dont le consentement a fait défaut. 

L'autorisation du juge aura un sens important pour une  mise à disposition de fonds par exemple.

En effet, tout héritier qui autoriserait une mise à disposition pourrait être considéré comme ayant accepté tacitement la succession de façon irréversible et donc devoir payer les dettes successorales. 

C'est souvent pour cette raison, que ce dernier restera inerte, ce qui contraindra le ou les   autres héritiers à se faire autoriser  par le juge, de récupérer des fonds pour faire face aux besoins urgents de la succession, voir de sommer l'indivisaire d'opter dans la succession...

1ere Civ. 12 mai 2010, pourvoi n° 09-65.362, cass 

"tout indivisaire est en droit de faire cesser les actes accomplis par un autre indivisaire, qui ne respectent pas la destination de l'immeuble ou qui portent atteinte à leurs droits égaux et concurrents sur la chose indivise et d'agir à cet effet, ainsi que pour obtenir réparation du préjudice consécutif aux dits actes, sans attendre le partage."

B)Si l'un des indivisaires se trouve hors d'état de manifester sa volonté 

Article 815-4 du code civil

"Si l'un des indivisaires se trouve hors d'état de manifester sa volonté, un autre peut se faire habiliter par justice à le représenter, d'une manière générale ou pour certains actes particuliers, les conditions et l'étendue de cette représentation étant fixées par le juge. 

A défaut de pouvoir légal, de mandat ou d'habilitation par justice, les actes faits par un indivisaire en représentation d'un autre ont effet à l'égard de celui-ci, suivant les règles de la gestion d'affaires."

C) Pour toutes mesures urgentes d'administration ou de disposition dans l'intérêt commun: article 815-6 du code civil 

Le président du tribunal de grande instance peut prescrire ou autoriser toutes les mesures urgentes que requiert l'intérêt commun.

Il peut, notamment, autoriser un indivisaire à percevoir des débiteurs de l'indivision ou des dépositaires de fonds indivis une provision destinée à faire face aux besoins urgents, en prescrivant, au besoin, les conditions de l'emploi. Cette autorisation n'entraîne pas prise de qualité pour le conjoint survivant ou pour l'héritier. 

Il peut soit désigner un indivisaire comme administrateur en l'obligeant s'il y a lieu à donner caution, soit nommer un séquestre.

Les articles 1873-5 à 1873-9 du présent code s'appliquent en tant que de raison aux pouvoirs et aux obligations de l'administrateur, s'ils ne sont autrement définis par le juge. 

par exemple pour autoriser le versement des fonds successoraux.

C) Pour désigner un indivisaire mandataire ad hoc chargé de gérer l'indivision  

article 815-4 alinéa 2 du code civil et 815-6 alinéa 3 du code civil

D) Pour autoriser une vente immobilière après saisine des indivisaires représentant au moins 2/3 des droits indivis: article 815-1 du code civil. 

La procédure sera spécifique. Rappelons le texte in extenso:

"Sauf en cas de démembrement de la propriété du bien ou si l'un des indivisaires se trouve dans l'un des cas prévus à l'article 836, l'aliénation d'un bien indivis peut être autorisée par le tribunal de grande instance, à la demande de l'un ou des indivisaires titulaires d'au moins deux tiers des droits indivis, suivant les conditions et modalités définies aux alinéas suivants.  

Le ou les indivisaires titulaires d'au moins deux tiers des droits indivis expriment devant un notaire, à cette majorité, leur intention de procéder à l'aliénation du bien indivis.

Dans le délai d'un mois suivant son recueil, le notaire fait signifier cette intention aux autres indivisaires.  

Si l'un ou plusieurs des indivisaires s'opposent à l'aliénation du bien indivis ou ne se manifestent pas dans un délai de trois mois à compter de la signification, le notaire le constate par procès-verbal.

Dans ce cas, le tribunal de grande instance peut autoriser l'aliénation du bien indivis si celle-ci ne porte pas une atteinte excessive aux droits des autres indivisaires.  

Cette aliénation s'effectue par licitation. Les sommes qui en sont retirées ne peuvent faire l'objet d'un remploi sauf pour payer les dettes et charges de l'indivision.

L'aliénation effectuée dans les conditions fixées par l'autorisation du tribunal de grande instance est opposable à l'indivisaire dont le consentement a fait défaut, sauf si l'intention d'aliéner le bien du ou des indivisaires titulaires d'au moins deux tiers des droits indivis ne lui avait pas été signifiée selon les modalités prévues au troisième alinéa."

 

E) Pour ordonner une sortie judiciaire de l'indivision  

Il conviendra alors de sortir de cette indivision et de partager l’actif, L'article 815 du code civil disposant :

" Nul ne peut être contraint à demeurer dans l'indivision et le partage peut être toujours provoqué, à moins qu'il n'y ait été sursis par jugement (pour deux années au plus si une vente risquerait de porter atteinte à la valeur des biens indivis) ou convention." 

Lorsque un héritier aura accepté la succession, s’il continue à s’opposer à l'indivision ( ex par un refus de délivrance de fonds), ses cohéritiers envisageront l’action en partage judiciaire, prévue à l’article 840 du code civil devant le tribunal de grande instance par l’intermédiaire d’un avocat obligatoire.



 Auteur: Maître Haddad Sabine

 

29 décembre 2011

Actualité de la jurisprudence SEPTFONDS

Grâce au précédent de la jurisprudence Septfonds, le juge judiciaire a obtenu une prorogation de compétence. Mais depuis un arrêt du Tribunal des Conflits du 17 octobre 2011, il en est effet désormais compétent pour connaitre de la légalité des actes administratifs. 

 

I/  La prorogation jurisprudentielle de compétence du juge civil

Au nom de la séparation des pouvoirs du fait de l’organisation judiciaire française, le juge civil ne pouvait connaitre des actes administratifs que ce soit pour une interprétation ou pour une appréciation de la légalité ; ces actions relevant de la seule compétence du juge administratif.

Quand bien même le juge civil serait saisi au principal d’une question qui relève de sa compétence et que le problème de l’interprétation ou de la légalité d’un acte administrative se pose à lui à titre incident, il devait se déclarer incompétent.

La connaissance d’un acte administratif par le juge civil mettait systématiquement en conflit, d’une part le principe « le juge du principal est le juge de l’exception », d’autre part le principe de la séparation des autorités administratives et judiciaires.

Mais cette vision étroite ne pouvait demeurer dans la mesure où le travail quotidien du juge, tant administratif que civil, repose sur l’interprétation des normes juridiques. L’acte administratif, tout au moins l’acte administratif règlementaire constitue dans l’ordonnancement juridique une loi au sens large. Dès lors le juge civil pouvait l’interpréter.

 A cet égard, le Tribunal des conflits a eu l’occasion de définir les pouvoirs du juge judiciaire statuant en matière civil dans un arrêt du 16 juin 1923, Septfonds. Ainsi :

1)       L’interprétation lui est permise en ce qui concerne les actes règlementaires, mais celle des actes individuels- à moins qu’ils soient parfaitement clairs- constitue une question préjudicielle de la compétence de la juridiction administrative   

2)       L’appréciation de la légalité des actes administratifs par voie d’exception n’est jamais, en principe, de la compétence du juge civil



II/ Les deux nouvelles exceptions à la jurisprudence Septfonds

Depuis l’arrêt du 17 octobre 2011, le juge judiciaire peut désormais opérer un contrôle de légalité de l’acte administratif « lorsqu’il apparait manifestement, au vu d’une jurisprudence établie, que la contestation peut être accueillie par le juge saisi au principal ».

Ces nouvelles prérogatives accordées au juge judiciaire ne sont le fruit du hasard mais plutôt d’une évolution jurisprudentielle depuis l’arrêt Septfonds, lequel faisait l’objet au fil du temps de restrictions.

En effet dans la décision Septfonds en date du 16 juin 1923, le Tribunal des conflits, décidait de l’incompétence du juge civil pour connaître de la légalité d’un acte administratif. Ainsi, l’examen de la conformité d’un acte administratif réglementaire à une norme communautaire ne relevait pas de la compétence du juge judicaire (T. confl. 19 janv. 1998, Union française de l’Express et autres c. la Poste et autres ; T. confl. 23 oct. 2000 , Boussadar). En pratique, le juge judiciaire devait donc surseoir à statuer et saisir le juge administratif d’une question préjudicielle relative à la légalité de l’acte administratif contesté par voie d’exception sauf lorsque l’acte réglementaire portait une atteinte grave au droit de propriété ou à la liberté individuelle (T. confl. 30 oct. 1947, Barinstein), ou lorsque de l’examen d’un acte réglementaire dépendait la solution du procès pénal (art. 111-5 C. pén.) ou encore en matière de fiscalité indirecte (T. confl. 7 déc. 1998, District urbain de l’agglomération rennaise c. Société des Automobiles Citroën).

Néanmoins, la Cour de cassation, se fondant sur la primauté des principes du droit communautaire sur le droit national avait considéré que le juge judiciaire était compétent pour apprécier la validité d’un acte administratif au regard du droit communautaire (Com. 6 mai 1996, France Telecom c. Communication média service ; Soc. 18 déc. 2007 et Civ. 2e, 20 déc. 2007).

La nouvelle décision du tribunal des conflits n’est donc qu’une mise en conformité avec l’évolution jurisprudentielle.

Les faits relatifs à cette décision concernaient la contestation d’arrêtés ministériels pris en application des articles L. 632-3 et L. 632-12 du Code rural et de la pêche maritime ayant rendu obligatoires des cotisations interprofessionnelles volontaires. Des producteurs de porc et de lait avaient chacun saisi le juge judiciaire afin d’obtenir le remboursement de ces cotisations en soutenant que celles-ci auraient été exigées en application d’un régime d’aides d’État irrégulièrement institué, faute d’avoir été préalablement notifié à la Commission européenne en application des articles 107 et 108 du TFUE. Le préfet de la région Bretagne, préfet d’Ille-et-Vilaine, estimant que la question portait sur la légalité d’actes administratifs réglementaires au regard du droit de l’Union et appliquant la jurisprudence Septfonds, a alors présenté deux déclinatoires distincts afin que le juge judiciaire pose une question préjudicielle à la juridiction administrative concernant la légalité de ces arrêtés. Le juge judiciaire ayant refusé, le préfet, par arrêté en date du 9 mai 2011, a élevé le conflit. Le Tribunal, prenant en compte les évolutions jurisprudentielles, annule ces arrêtés de conflits et donne compétence au juge judiciaire pour apprécier la légalité des arrêtés litigieux au regard du droit de l’Union.

 

 Le juge civil obtient désormais donc le pouvoir d’écarter l’application d’un acte administratif lorsque son illégalité est manifeste. L’étendue de cette prérogative doit cependant être relativisée, puisque l’appréciation de la légalité de l’acte administratif ne pourra se faire que si une jurisprudence constante a établi auparavant l’illégalité de l’acte. Il ne s’agit donc pas d’un véritable contrôle de légalité des actes administratifs. Ainsi les conditions nécessaires à la compétence du juge pour connaitre de la légalité d’un acte administratif sont les suivantes :

1)       L’acte administratif doit être manifestement abusif

2)       L’acte ne peut être déclaré illégal que si une jurisprudence administrative constante l’avait auparavant fait.

 

En somme le domaine de définition de compétence du juge judiciaire en la matière est l’illégalité manifeste de l’acte et un précédent jurisprudentielle constant en la matière.

 

29 décembre 2011

Soc, 1er décembre 2011: la faute grave du salarié peut résulter de son absence de loyauté

Présentation : La chambre sociale de la cour de cassation a rendu le 1 er décembre 2011, un arrêt de rejet intéressant destiné à rappeler l'importance du devoir de loyauté d'un salarié vis à vis de son employeur. Cette obligation contractuelle découlant du contrat de travail pourra être sanctionnée.

  

La chambre sociale de la cour de cassation a rendu le 1 er décembre 2011, pourvoi 09-71204 un arrêt de rejet intéréssant destiné à rappeler l'importance du devoir de loyauté d'un salarié vis à vis de son employeur.

Cette obligation contractuelle découlant du contrat de travail pourra être sanctionnée.

 

I- La faute grave retenue est elle proportionnée au regard de la situation ?

 

Pour la cour de cassation: "la violation par le salarié de son obligation contractuelle de loyauté envers l'employeur était d'une importance telle qu'elle rendait impossible son maintien dans l'entreprise et constituait une faute grave".

La faute grave aura pour conséquence de priver le salarié de ses indemnités de licenciement et de préavis.

De ce point de vue, un salarié qui ne dénoncerait pas un vol dont il a été témoin et qui a oeuvré pour empêchersa révélation,commettra une faute grave rendant bien fondée son  licenciement. 

En l'éspèce, suite à la vol de matériels, plusieurs salariés avaient été licenciés.

L'un d'eux se voyant reprocher une faute grave pour tentative de vol avait été privé de ses  indemnités et avait saisi le conseil de Prud'hommes pour défaut de preuves tangibles des faits reprochés, après sa relaxe prononcée par le tribunal correctionnel.

Or à l'appui de deux attestations, les juges du fond  avaient considérés que le salarié avait  sciemment omis de signaler à son supérieur les faits dont il avait été témoin. 

Qu'ainsi il avait  commis une faute grave en ayant couvert, par son silence, le vol.

La question soumise à la Cour a consisté à savoir si le fait de s'abstenir de dénoncer à son supérieur hiérarchique ce type de faits justifie t-il le bien fondé de la sanction ? 

Cette sanction est elle proportionnée au ragard des faits accomplis ?

Pour la chambre sociale la réponse est OUI.

"...Mais attendu, d'abord, que la cour d'appel a constaté que la lettre de licenciement reprochait au salarié un non-respect des consignes régulièrement rappelées par l'employeur révélé par la découverte dans son vestiaire de matériel téléphonique qui ne devait pas s'y trouver, et que ces faits n'étaient pas visés par les poursuites pénales ;

Attendu, ensuite, qu'ayant relevé que le salarié, avec et au même titre que d'autres salariés licenciés pour le même motif, avait omis de porter immédiatement à la connaissance de l'employeur des faits de vol dont il avait été témoin et oeuvré pour empêcher leur révélation, a pu décider, sans avoir à suivre les parties dans le détail de leur argumentation, que la violation par le salarié de son obligation contractuelle de loyauté envers l'employeur était d'une importance telle qu'elle rendait impossible son maintien dans l'entreprise et constituait une faute grave ;..;"

 

II- Présentation de Soc,1er décembre 2011, pourvoi N°09-71204

Sur le moyen unique : 

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Colmar, 22 septembre 2009), que M. X..., engagé le 21 octobre 1986 par la société Alcatel business systems devenue Alcatel Lucent Enterprise, en qualité d'opérateur magasinier, a été licencié le 2 avril 2001 pour faute grave ; que, contestant son licenciement, il a saisi la juridiction prud'homale, qui, par jugement du 5 mai 2004, a sursis à statuer dans l'attente de la décision à intervenir sur l'appel d'un jugement du tribunal correctionnel du 5 février 2004, l'ayant relaxé des fins de la poursuite de vol dont il faisait l'objet à la suite de la plainte de la société ;

Attendu que M. X... fait grief à l'arrêt de juger que son licenciement pour faute grave est justifié et de le débouter de ses demandes, alors, selon le moyen : 

1) - Que la lettre de licenciement fixe les termes du litige et qu'il appartient à l'employeur de décider quels sont les faits qu'il considère comme constituant une cause réelle et sérieuse de licenciement ; que la cour d'appel qui a estimé que constituait une cause réelle et sérieuse de licenciement le fait pour M. X... d'avoir oublié dans une poche de sa blouse laissée dans son vestiaire un téléphone et une façade de téléphone alors que la société Alcatel avait expressément précisé dans la lettre de licenciement que le motif unique en était le vol de matériel, vol pour lequel M. X... a été relaxé, a violé l'article L1232-6 du Code du travail ;

2) - Que pour dire que le fait que M. X... ait sciemment omis de signaler à un supérieur les faits dont il avait été témoin et, au moins par son silence, approuvé les manoeuvres entreprises pour camoufler ce vol constituait une cause réelle et sérieuse de licenciement la cour d'appel s'est exclusivement fondée sur deux témoignages desquels il résulterait que c'est par peur de lui que la décision de ne pas révéler le vol aurait été prise ; que la cour d'appel qui a dénaturé ces témoignages a violé l'article 1134 du Code civil et l'article 455 du Code de procédure civile ; 

3) - Que la cour d'appel ne pouvait considérer que le fait pour M. X... d'avoir approuvé les manoeuvres entreprises pour camoufler le vol constituait une cause réelle et sérieuse de licenciement et davantage encore une faute grave sans s'expliquer sur les raisons pour lesquelles il aurait inspiré une telle crainte à ses supérieurs hiérarchiques qu'il serait le principal responsable de la décision de ne pas révéler le vol à la direction de l'entreprise ; que la cour d'appel qui ne s'est pas expliquée sur ce point essentiel soulevé dans les conclusions d'appel de M. X... a privé sa décision de base légale au regard des articles L1232-1 et L1234-1 du Code du travail ;

Mais attendu, d'abord, que la cour d'appel a constaté que la lettre de licenciement reprochait au salarié un non-respect des consignes régulièrement rappelées par l'employeur révélé par la découverte dans son vestiaire de matériel téléphonique qui ne devait pas s'y trouver, et que ces faits n'étaient pas visés par les poursuites pénales ; 

Attendu, ensuite, qu'ayant relevé que le salarié, avec et au même titre que d'autres salariés licenciés pour le même motif, avait omis de porter immédiatement à la connaissance de l'employeur des faits de vol dont il avait été témoin et oeuvré pour empêcher leur révélation, a pu décider, sans avoir à suivre les parties dans le détail de leur argumentation, que la violation par le salarié de son obligation contractuelle de loyauté envers l'employeur était d'une importance telle qu'elle rendait impossible son maintien dans l'entreprise et constituait une faute grave ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ; 

Par ces motifs : Rejette le pourvoi ;

 

Auteur: Maître HADDAD Sabine

 

29 décembre 2011

La conception du contrat en Droit Chinois

La loi sur les Contrats, promulguée le 15 mars 1999 et entrée en vigueur le 1er octobre 1999 constitue aujourd’hui l’un des éléments les plus pertinents pour comprendre le droit chinois. Tout d’abord parce que cette loi a répondue à l’évolution économique initiée par Deng Xiaoping ces 30 dernières années, parce qu’elle s’avérait nécessaire en vue de l’accession de la Chine à l’OMC, et parce qu’elle s’est, à l’image d’autres pans du droit chinois, inspirée des droits occidentaux et du droit uniforme. Au delà de ces évolutions qui sont le résultat du législateur, nous nous intéresserons ici aux influences philosophiques et politiques sur le droit chinois des contrats. De Confucius à Marx, les influences culturelles sont fortes et éclairent sur la conception même du contrat en Chine et in extenso la pratique contractuelle. Alors qu’en novembre dernier et à la grande satisfaction d’Areva, Total et Airbus, 16 milliards d’euros de contrats étaient signés entre la France et la Chine, la question est simple mais essentielle, que représente un contrat en Chine ?

 

Traiter la question des influences culturelles du droit chinois des contrats suppose d’analyser tout d’abord l’impact de la philosophie confucéenne et notamment ses « Analactes » qui constituent une première source écrite de commentaires sur le gouvernement et le droit en Chine. Il est d’autant plus pertinent de réfléchir à la pensée confucéenne que Confucius fut lui-même ministre de la justice pénale dans l’Etat du Lu. Selon Confucius et ses disciples et comme expliqué par  Guillaume Rougier-Brierre, « la règle de droit n’a vocation à s’appliquer que lorsque les individus agissent en dehors du rôle qui leur a été assigné par la société. Or, la vision confucéenne de la société est celle d’une hiérarchie rigide au sein de laquelle le rôle de chaque personne est défini en référence au rôle d’autrui ». Autant dire que cette conception est diamétralement opposée au fondement ou du moins élément dynamique du droit des contrats français à savoir l’autonomie de volonté qui repose sur cette liberté « naturelle » des hommes choisir ce à quoi ils s’obligent. Dans la conception confucéenne, le contrat n’aurait de sens qu’a partir du moment où l’individu sortirait du rôle qui lui a été attribué au sein de la société. Paradoxalement, la liberté contractuelle a été consacrée dans la loi de 1999…

 

Lao Tsu a lui aussi contribué lui à la conception du contrat en Chine. On retrouve dans sa philosophie l’aspect secondaire du contrat qui n’aurait de raison d’être que lorsque les hommes ont perdu leurs vertus et que règne le désordre, l’ordre naturel des choses n’ayant pu être établi. On remarquera que cette philosophie va a contre courant des relations commerciales d’aujourd’hui qui montrent un regain de vitalité du contrat non pas comme un recours ultime mais plutôt comme un postulat de départ.

 

L’occident et la Chine ont un rapport différent à la temporalité. On retrouve ici l’influence du bouddhisme qui considère le temps de manière cyclique et non linéaire. Concrètement, le contrat va ainsi être modifiable, il peut en quelque sorte se réincarner perpétuellement et n’est donc pas figé. La différence avec la conception occidentale du contrat est frappante, les occidentaux envisageant eux le contrat comme le moment ou la volonté des parties va figer le temps. Cela met en lumière également ce qui est primordial pour les occidentaux, à savoir la lettre du contrat, et ce qui l’en est pour les chinois qui eux vont se concentrer sur l’esprit du contrat manifestant ainsi une vision évolutive de ce dernier.

Le communisme enfin, dont l’influence ne peut se résumer en quelques lignes mais nous pouvons toutefois souligner l’ascendant de la société sur l’individu qui expliqua pourquoi la finalité des contrats a longtemps été la réalisation du plan alors que la conception occidentale envisage la finalité du contrat comme devant servir les parties concernées.

Ces influences sont réelles mais il convient d’admettre les évolutions majeures (voire  révolutionnaires) qu’a connu le droit chinois des contrats via la loi sur les contrats de 1999. Liberté contractuelle, bonne foi, principe d’égalité sont présents et manifestent l’influence des droits de traditions civilistes, de Common law mais aussi uniformes tel que les principes Unidroits. En résumé et en paraphrasant Charles de Gaulle, à la question « quelle est l’essence de ce contrat ? » la réponse est la suivante «  Dites moi d’abord de quel peuple et de quelle époque il s’agit ? ».

 

 Auteur : www.legavox.fr/blog/droit-compare

Bibliographie

▪Spécificité de la négociation et de la pratique contractuelle en Chine, Guillaume ROUGIER-BRIERRE, RDAI/IBLJ,n°2,2007.

▪Droit civil, les obligations : l’acte juridique, Jacques FLOUR, Jean-Luc AUBERT, Eric SAVAUX, Sirey Université, 2006.

▪Réflexions générales sur la nouvelle sur les contrats, Pierre BORRA, Gazette du Palais, 04 juillet 2000 n°186, P.52

▪ Contract law of the People’s Républic of China, China Legal System Publishing House, 1999. Cette loi est disponible à l’adresse suivante : www.cclaw.net

▪http://www.usinenouvelle.com/article/16-milliards-d-euros-de-contrats-signes-avec-la-chine.N141123

20 décembre 2011

Nouveau code la famille malien: l'histoire d'une révolution avortée

Le 2 décembre 2011, l’Assemblée Nationale malienne adoptait à l’unanimité le nouveau code de la famille malien.

Dans un communiqué publié, l’organisation internationale des droits de l’homme a critiqué le vote du nouveau code des personnes et de la famille au Mali. Pour elle, « depuis plus de dix ans, les femmes maliennes attendent l'adoption d'un Code de la famille pour que leurs droits fondamentaux soient respectés. Or, le 2 décembre 2011, l'Assemblée nationale malienne a adopté un texte qui, au contraire, perpétue les discriminations ».

Il faut faire un léger bond dans le passé pour s’expliquer cette indignation mais aussi effectuer  une analyse logique, dépouillée de tout aspect passionnel et partisan. Cela revient à mener  un débat juridique.

On constate alors que 2 années auparavant, en août 2009, le premier projet de ce même code avait été renvoyé en deuxième lecture par le Président Toumani Touré à la suite de manifestations des forces conservatrices.

 Le texte révisé est alors édulcoré. Les dispositions centrales relatives à l'âge du mariage, la garde des enfants, l'héritage ont subi de telles modifications qui font du nouveau texte un code illégal et inégal.

Un code illégal. Faut-il le rappeler, le Mali est partie à la  Convention des Nations unies sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes (CEDAW), ratifiée en 1985, et le Protocole à la Charte africaine des droits de l'Homme et des peuples relatif aux droits des femmes, ratifié en 2005.

Mieux le Mali, dont la moitié de la population à moins de 18 ans, a toujours affichée une priorité politique quant  au droit des enfants. Ainsi, la constitution adoptée en 1992 proclame dans son préambule la détermination du peuple malien « à défendre les droits de la femme et l'enfant ». Le pays  a  aussi coprésidé le Sommet mondial sur les enfants en 1990 et a été l’un des premiers pays à avoir ratifié la Convention relative aux droits de l'enfant.

Or le nouveau code de la famille malien viole gravement  toutes ces conventions internationales qui entrent en vigueur dans le pays dès leur ratification. En application de la théorie de la hiérarchie des normes, les lois doivent se conformer aux dispositions  des normes internationales que sont les traités et les conventions internationaux.

En effet on remarque que dans la convention relative au droit des enfants, l’enfant est défini comme toute personne humaine âgée de moins de 18 ans. Le code de protection de l’enfant adoptée en 2002 et qui se veut l’écho de la convention réunit  «des règles destinées à assurer à l'enfant la protection nécessaire à son développement physique et intellectuel et à son insertion dans la société ».

Mais on observe dans le nouveau code la famille que l'âge légal du mariage est de 18 ans pour l'homme et de 16 ans pour la femme. Par ailleurs, dans certains cas, le mariage peut être autorisé à partir de 15 ans pour la femme. Or à cet âge, la femme est toujours un enfant, tel que défini par la convention et le mariage précoce n’est assurément pas une institution qui s’inscrit dans le respect de ladite convention.

Il faut aussi remarquer que bien qu’étant astreint à des obligations internationales relatives l’élimination de toutes discriminations à l’égard des femmes et du respect de ses droits, on peut lire dans nouveau code de la famille malien : « dans la limite des droits et devoirs respectifs des époux consacrés par le présent code, la femme doit obéissance à son mari et le mari protection à sa femme… » à la place de l’ancienne mouture du premier projet de code qui proposait plutôt : «les époux se doivent mutuellement fidélité, protection, secours et assistance… ». Mieux Il substitue à  l’« autorité parentale », définie dans le projet de code comme un ensemble de droits et de devoirs ayant pour finalité le seul intérêt de l'enfant, exercée conjointement par le père et la mère ; « la puissance paternelle » où l'homme est consacré comme unique chef de famille.

 

Un code inégal. L’inégalité du code est mise pour les discriminations qu’il consacre notamment celles faites aux femmes telles que développées précédemment.

Une autre discrimination est celle faite aux enfants. En effet concernant la succession, le projet du code prévoyait la non-discrimination entre filles et garçons d’une part et entre enfants légitimes et enfants naturels d’autre part. Mais sous la nouvelle législation, les enfants nés d’un adultère ne bénéficient plus d’aucun droit ni protection. « Tout enfant né hors mariage, autre que celui né d’un commerce adultérin, peut être légitimé par le mariage subséquent de ses père et mère, lorsque ceux-ci les ont légalement reconnus avant leur mariage ou les reconnaissent au moment de sa célébration.

 A la lecture de cette disposition, on semble percevoir l’érection de l’enfant adultérin en paria qui n’a pas droit à l’établissement d’un lien de filiation.

L’ancien était beaucoup plus libéral, disant : « tout enfant né hors mariage fut-il décédé est légitime de plein droit par le mariage subséquent de ses père et mère. Si la filiation n’était pas déjà établie, cet enfant fait l’objet d’une reconnaissance au moment de la célébration du mariage. » 

Par ailleurs, le nouveau code en son article 518 s’aventure sur un terrain inattendu : « en aucun cas, un homosexuel n’est admis à adopter un enfant sous quelques régime que ce soit ». Le Législateur malien se fait ainsi avant- gardiste dans le paysage africain sur la question de l’adoption par un homosexuel.

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